Douch, directeur de la prison de Phnom Penh sous le régime cambodgien des Khmers rouges, où 15 000 personnes ont été torturées et exécutées, a été condamné en appel à la perpétuité vendredi 3 février par le tribunal parrainé par les Nations unies dans ce qui est le premier verdict définitif de la juridiction.
L'ex-chef de Tuol Sleng ou S21, la prison centrale de la capitale entre 1975 et 1979, avait été condamné en première instance à trente ans de prison en juillet 2010 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais la chambre de la cour suprême du tribunal a porté cette peine à "la prison à vie" estimant que le premier jugement n'était pas à la hauteur des crimes du tortionnaire, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef d'un établissement dans lequel quelque 15 000 personnes sont mortes. "Les crimes de Kaing Guek Eav ont compté indubitablement parmi les pires jamais enregistrés dans l'histoire. Ils méritent la peine la plus élevée possible", a déclaré Kong Srim, président de la cour. La peine de mort était exclue par le règlement du tribunal.

Douch, 69 ans, vêtu d'une chemise blanche et d'un blouson crème, n'a prononcé aucune parole ni montré aucune émotion à l'énoncé de la sentence. Il s'est levé, a salué la cour dans la tradition cambodgienne, les deux mains jointes devant le visage. Puis a été emmené dans la cellule attenante à la cour, en banlieue de Phnom Penh, où ses juges ont décidé qu'il devrait finir ses jours.

Ce verdict était celui réclamé par les parties civiles du procès, les rares survivants de S21 et les familles des victimes. La peine de trente ans en première instance lui aurait permis de sortir dans dix-huit ans en tenant compte des années déjà effectuées en détention. Une hypothèse insupportable pour eux. Douch est le premier Khmer rouge jugé par ce tribunal hybride, mis en place en 2006 au terme d'années de négociations entre le régime de Phnom Penh et la communauté internationale.

Après des années passées à se cacher, l'ex-professeur de mathématiques avait été retrouvé en 1999 par un photographe irlandais alors qu'il travaillait pour une organisation non gouvernementale chrétienne. Devant ses juges, lors du premier procès, il avait longuement expliqué la signification des tombereaux de documents et archives découverts dans la prison à la chute du régime. Parmi eux figuraient la compilation des aveux parfois délirants des suppliciés, témoignant plus aujourd'hui de la paranoïa du système que d'un hypothétique complot contre lui. Mais l'accusé avait ensuite abandonné cette stratégie d'aveux et de coopération avec la justice, congédiant son avocat français et réclamant sa libération.

L'énoncé du verdict a été suivi par des centaines de Cambodgiens dans la salle d'audience, dans la banlieue de Phnom Penh. Et par des milliers d'autres suspendus à leur télévision dans un pays où cette période de l'histoire, qui n'a épargné aucune famille, est longtemps restée taboue. Un second procès, qui juge les trois plus hautes personnalités du régime encore en vie, toutes octogénaires, a débuté fin 2011. Il a été découpé en segments distincts, dans l'espoir d'arriver à un premier verdict avant que les accusés, qui plaident non coupable, n'emportent leur sombre vérité dans leur tombe.

source : http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/02/03/proces-douch-le-tortionnaire-khmer-rouge-condamne-en-appel-a-la-perpetuite_1638320_3216.html

Pour ce procès un grand nombre de documents ont été traduits et il y avait l'interprétation en anglais français et cambodgien.